<< Plus loin, un puy fameux, que l'on nomme Crouel,
Aux yeux du voyageur paraît un vaste autel ;
Il s'élève au milieu d'une campagne immense :
Qui sait comment sa masse en ces lieux prit naissance ?
D'où vient de ses rochers le bitume noirci ?
Le brûlant Phlégéton sortirait-il d'ici ?
Autrefois je montais sur son sommet pierreux
Et je croyais alors escalader les cieux
Je t'adresse mes vers, petit mont remarquable
Qu'environne Bacchus de son pampre agréable >> (1)
Deux siècles plus tard, un tel enthousiasme n'est pas de mise : l'immense campagne est très urbanisée, et le calme du lieu est relatif, car il faut parvenir à faire abstraction du bourdonnement continu de la circulation automobile.
A quelques mètres de l'autoroute, devant leurs cabanes, les jardiniers imperturbables échangent leurs plants de tomates, en se demandant s'il est bien raisonnable de les repiquer maintenant, alors que les saints de glace ne sont pas passés.
Quelques cerisiers s'élèvent au-dessus des broussailles ; une cépée de figuiers s'est développée au chaud contre la roche. Bacchus se contente d'une maigre parcelle de vigne peu à peu gagnée par l'envahissante aristoloche clématite.
Le Crouel signale le début des " indésirables " (2) rejetés à la périphérie de la ville. Les plus acceptables d'entre eux se sont alignés à ses pieds : funérarium et funérarium, cimetière et crématorium. Du camp de tziganes discrètement installé de l'autre côté, près des jardins, ne parvient que l'aboiement d'un chien. Les dépôts d'ordures ne sont pas très loin ; le chantier de l'incinérateur contesté - voir (3) - est encore plus proche.
En juillet 1939, un militaire a sans doute trouvé la mort en percutant avec son avion le sommet du mont. Ses camarades ont érigé une stèle à sa mémoire, sans préciser les circonstances de l'accident. On ne retient donc que son nom (qui ne facilite pas les recherches) : le sergent M. Truc.
Un petit enclos dont le grillage a été enfoncé protège (un peu) des antennes depuis longtemps inutilisées.
En haut fleurit le chèvrefeuille, en bas le cornouiller. Mêlées aux arbustes et aux rochers, des plantes basses offrent au soleil leurs couleurs variées.
Vue du puy de Crouel depuis la carrière de Gandaillat
(1) - " Le panorama naturel " par Jacques Bernard, 1816
.
(cliquer sur l'image pour accéder au document)
(2) - " Les Indésirables - Paysage déversoir du trop-plein de la ville " par Adèle Moury : ici.
(3) - Article du journal " La Montagne " du dimanche 15 mai 2011 :
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)