La source
" Au fil de la Sioule "
C'est un fait : si nous savons que la source de la Sioule se situe entre le village de Vernines et le lac de Servières, nul ne nous en indique l'endroit exact.
Il me faut combler cette lacune. Revêtu de ma panoplie d'explorateur, j'ai décidé de remonter le cours de la rivière, jusqu'à son origine.
L'expédition débute plutôt bien : un chemin conduit tranquillement au creux du vallon.
A l'arrivée, je constate que le courant est déjà assez fort. D'après mes calculs, je suis à environ un kilomètre de la source, à une altitude de mille mètres. La source se trouvant à plus de 1100 mètres, la pente est donc de - réfléchissons - heu... 10 % ?
De nombreuses fleurs colonisent la rive. Je reconnais sans peine les anémones, le bouton d'or, la pulmonaire, ou la primevère, celle-ci étant toutefois un peu différente du vulgaire coucou des bords de chemin.
Mais je dois maintenant sortir ma documentation, pour identifier la dorine à feuilles alternes, qui forme ici de larges massifs vert-jaune.
Puis les fleurs et le sentier disparaissent ; le paysage devient plus sauvage.
Des arbres abattus par une ancienne tempête pourrissent sur place, recouvrant même le lit du torrent.
Chaque pas doit être étudié, et la progression se trouve fortement ralentie. Je me souviens que plus bas, un étrange animal, dressé la gueule ouverte, semblait mettre en garde les imprudents voyageurs.
A ce stade, la vallée forme une large cuvette ovale d'où l'eau semble descendre de tous côtés, se glissant entre les troncs.
Mon compagnon en difficulté propose d'abandonner les recherches. Lorsqu'il commence à rebrousser chemin, je lui explique que des aventuriers de notre trempe ne sauraient renoncer si près du but, et il se rend à mes raisons. Plus exactement, je me suis peut-être contenté de tirer sur sa laisse.
Et voici qu'au-dessus de cette cascade, nous rejoignons un chemin, le long duquel le courant se trouve domestiqué sur quelques dizaines de mètres.
Je me glisse entre deux rangs de fil de fer barbelé, et ma quête s'achève dans ce pré, en contrebas d'une route goudronnée.
Il faut bien se rendre à l'évidence : je ne suis pas le découvreur de la source, qui depuis longtemps a été bouleversée par l'aménagement de la route, et par un captage qu'une clôture protège. C'est très bien ainsi, car à vouloir imiter Livingstone (qui donnait le nom de la reine Victoria aux sites remarquables qu'il rencontrait), il m'aurait fallu l'appeler la source Nicolas (1), ce qui aurait déplu à tout un chacun.
Me voici donc sur la RD 983 qui va au Mont-Dore, cinquante mètres après un carrefour indiquant à droite la direction de Vernines, et conduisant sur la gauche au lac de Servières par un chemin de terre. Ma voiture n'est pas très loin.
1- ou François, ou Emmanuel, selon l'époque.